Trottoir et risques d’accidents : à qui la faute ?
Avec la neige et le verglas, votre trottoir devient très glissant et dangereux. A cet égard, il est de la responsabilité, de l’occupant du bien devant le trottoir incriminé, de nettoyer devant votre porte.
Dans le règlement de police des communes, il est stipulé que les habitants doivent déblayer leurs trottoirs et faciliter le passage de manière à réduire le risque d’accident.
Si vous ne veillez pas à la sécurité de votre trottoir en cas de neige ou de formation de gel, vous enfreignez les règles de la commune et vous risquez une amende de 250 euros. Cette règle s’applique du lever du soleil jusqu’à 20h
Qui est responsable ?
Comme souvent, la réponse ne coule pas de source car la responsabilité est multiple.
Dans les immeubles à appartements, les occupants du rez-de-chaussée sont responsables de la sécurité du trottoir. Si cet étage n’est pas occupé, cette responsabilité revient aux occupants de l’étage supérieur. Si un gardien est présent dans l’immeuble, c’est celui-ci qui est responsable. En cas de bâtiments inoccupés ou de parcelles non construites, cette tâche revient aux propriétaires.
Plusieurs codes et règles se chevauchent. Si la voirie où se trouve le trottoir est communale, c’est sa responsabilité et si elle est régionale, la responsabilité échoie à l’échelon de pouvoir supérieur : « Mais la responsabilité civile du propriétaire ou du locataire du bien à hauteur du trottoir peut également être engagée car vous êtes tenu d’entretenir votre portion pour permettre le passage donc ce n’est pas que quand il y a de la neige! », explique Maître Laurent Mosselmans, avocat à Bruxelles.
Concrètement, qui dit responsabilité multiple, dit responsabilité partagée également : « Les cas varient évidemment mais il peut très bien y avoir des cas de figure qui condamnent la Région wallonne, par exemple, à payer 70% des dédommagements et 30% au locataire de la maison, poursuit l’avocat bruxellois. Les différentes parties se renvoient souvent la balle pour diminuer leur responsabilité respective ».
Et si par exemple, un individu se blesse dans un arrêt de bus de la STIB ou des TEC dont les sociétés de transport en commun sont propriétaires, « un troisième larron peut même rentrer dans la danse ».
Question de solvabilité
Madame Dupont se casse la jambe devant chez vous ? Elle peut vous poursuivre au civil. Vous êtes en vacances à ce moment-là ? Le sel est en rupture de stock dans tous les magasins aux alentours ou le trottoir est tellement défoncé qu’il vous est impossible de le « gratter » correctement ? Alors vous avez de bonnes chances de vous dégager de vos responsabilités même si dans la pratique « les poursuites vont généralement se diriger vers les entités communales ou régionales car elles sont bien assurées et il n’y a pas de risques d’insolvabilité comme parfois dans les poursuites civiles », précise Laurent Mosselmans.
Néanmoins, il reste toujours préférable d’avoir une bonne assurance responsabilité civile car si elle vous fait défaut, « ça peut faire très mal au portefeuille ».
S’il y une chute avec blessure ?
Un passant tombe sur votre trottoir que vous n’avez pas encore dégagé de la neige, et se blesse. Etes-vous responsable de cette chute ? Certainement. La charge de preuve incombe à la victime. Votre assurance Responsabilité Civile interviendra.
Charge de preuve ?
La charge de preuve incombe à la victime. Celle-ci doit pouvoir démontrer qu’elle est tombée du fait que l’habitant n’avait pas ou insuffisamment dégagé son trottoir. Soit des témoins doivent créditer son récit, soit ses blessures doivent prouver la chute. Évidemment, le bon sens l’emporte devant les tribunaux. Sachez également que la commune n’est pas obligée de répandre du sel partout. Dans la pratique, elle s’occupe généralement d’abord des routes primaires, puis secondaires.
En pratique, par temps de neige ou de verglas
Après chaque chute de neige, les occupants d’immeuble (…) enlèveront sans délai sur une largeur d’un mètre le long des façades, la neige accumulée sur les trottoirs et accotements longeant leurs demeures ou propriétés.
La neige sera entassée à l’extrémité du trottoir ou de l’accotement le long de la chaussée.
Lorsque la largeur du trottoir est insuffisante, la neige doit être entassée sur la chaussée, le long du trottoir et à la limite des propriétés. Elle ne pourra en aucune manière obstruer les rigoles et les avaloirs de voirie.
En cas de chute sur un trottoir, la commune peut-elle être déclarée responsable?
Avant de répondre à cette question, il faut d’abord planter le décor et se souvenir que des obligations essentielles pèsent sur les communes et autres pouvoirs publics quand on parle de voiries.
Les communes doivent entretenir les voiries et elles doivent veiller à la sécurité des citoyens qui les empruntent… Un trottoir fait entièrement partie de la voirie qu’il longe: c’est un accessoire de la voirie. C’est la propriété de la commune ou des pouvoirs publics dans la majorité des cas.
Entretenir signifie non seulement réaliser des travaux lourds mais également des travaux de nettoyage et de dégagement et réparer les dégradations normales.
Les communes ont une obligation de sécurité à l’égard des usagers ( loi communale article 135) sur toutes les voiries (communale, régionale, provinciale ou privée) qui traversent son territoire: elles ont donc l’obligation de n’ouvrir à la circulation que des voies suffisamment sûres: elles doivent donc surveiller les voiries, neutraliser le danger en le signalant, en nettoyant, en réparant, en fermant ou en détournant la circulation. Mais la surveillance doit s’apprécier de façon « raisonnable »: on ne peut pas imposer aux communes d’avoir un système de surveillance permanent.
Par exemple, le Tribunal de Mons en 1997 a prononcé un jugement à propos d’une chute sur un trottoir: il parle de » l’impossibilité pour les communes de veiller en permanence au bon état de la voirie en manière telle qu’il ne peut être exigé d’elles qu’elles maintiennent en parfait état tous les trottoirs situés sur leurs territoires ».
En cas de chute, la commune pourra être déclarée responsable si le danger est « anormal », s’il est de nature à tromper la légitime confiance de tout usager circulant normalement sur la voie publique: elle devra alors indemniser le dommage subi par la victime. Mais le caractère de normalité ou d’anormalité dépend de chaque cas!
Des dizaines de jugements ont été prononcés et leurs contenus ne sont pas tous identiques! (on parle alors de jurisprudence divisée sur la question!).Pour un juge, un pavé manquant entraînera la responsabilité de la commune tandis que pour un autre, quelques carrelages ou pavés d’une rue commerçante détachés, démolis ou descellés n’entraîneront aucune responsabilité….
En pratique: un pavé qui dépasse d’un cm, c’est normal, le même pavé qui dépasse de 10 cm c’est anormal. C’est le même principe que la feuille de salade sur le sol d’une grande surface: si la feuille se trouve au rayon fruits et légumes: pas de problème, c’est normal et le client doit faire attention, si la même feuille se retrouve au rayon des petites culottes, elle devient anormale car il n’y a aucune raison qu’elle se trouve là! Les juristes parlent de « vice de la chose »: c’est le fameux article 1384 al 1 du code civil qui a déjà fait couler beaucoup d’encre et sur lequel les juristes adorent s’étendre!
Donc, la commune est présumée responsable sauf si elle peut prouver une faute de la victime qui n’a fait attention…: le piéton doit donc être normalement prudent et vigilant, il doit regarder où il met les pieds, il doit être attentif : une faible dénivellation ne constituera donc pas un danger anormal….
En cas de chute ayant entrainé un dommage, il faut prévenir les services de la commune afin qu’ils prennent leurs dispositions utiles pour remédier au problème et il ne faut pas oublier de constituer un dossier: prendre des photos, recueillir le témoignage des personnes qui ont assisté à l’incident, déposer plainte auprès de la police (on peut obtenir immédiatement la copie du procès-verbal d’audition), conserver précieusement les copies des dépenses (médicaments, visites chez le médecin etc…)
Article 1384 du Code Civil
Pour mémoire, on est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde.
Une chose est viciée, notamment, lorsqu’elle présente une caractéristique anormale, susceptible de causer un dommage.
Si une chose viciée est à l’origine d’un dommage, le gardien de cette chose est tenu d’indemniser la victime. Ce gardien est présumé irréfragablement responsable du dommage et cette présomption de faute ne peut être renversée que s’il prouve que, non pas le vice de la chose, mais le dommage n’est dû à une cause étrangère, cas fortuit, force majeure, fait d’un tiers ou de la victime elle-même (Cass. 12 février 1976, Bull et Pas., 1976, I, 652).
En ce qui concerne la neige, la jurisprudence est divisée.
Ainsi, une allée couverte sera considérée comme un endroit fréquenté et un passage obligé pour accéder à plusieurs commerces. L’usager doit donc pouvoir s’attendre à ce que, par temps de gel, les lieux soient sécurisés, exempts de neige ou de plaques de verglas, éléments qui apparaissent d’autant plus dangereux en l’espèce que le sol est composé de carrelages lisses.
Par contre, il a également été jugé que le sol sur lequel a chuté la victime ne peut être considéré comme étant affecté d’un vice, la présence d’une fine couche de neige à cette époque de l’année (le 22 décembre) ne présentant aucune caractéristique anormale et étant hautement prévisible au vu des conditions atmosphériques connues.
Il a été jugé qu’en ne respectant pas cette obligation de sécurité, la commune trompe la légitime confiance des usagers et commet ainsi une faute.
Il a, ainsi, été jugé que si le verglas et la neige sont des phénomènes naturels par lesquels un trottoir ne présente pas nécessairement une caractéristique anormale, mais qui peuvent présenter un danger anormal.
S’il est démontré qu’au moment des faits, qui se sont déroulés vers 10 heures du matin, la neige était tombée régulièrement, alors que les autorités communales étaient informées que des obsèques devaient avoir lieu, ces autorités pouvaient s’attendre à ce que des piétons cherchent à gagner l’église en empruntant les allées recouvertes de carreaux en verre. En n’intervenant pas la commune a commis une faute qui entraîne sa responsabilité sur base de l’article 135, § 2, de la nouvelle loi communale
Toutefois, cette obligation est une obligation de moyen : dans un cas de chute sur un trottoir enneigé et verglacé il a ainsi été décidé que « l’obligation de sécurité mise à charge des communes par les décrets de 1789 et 1790 est une obligation de moyen et non de garantie. Il ne peut être exigé que la commune dispose d’un service assurant le déneigement permanent de la neige recouvrant les trottoirs en cas de conditions atmosphériques exceptionnelles »
Enfin, la matière sera fréquemment réglée par les Règlements de police. Un manquement à un règlement de police est une faute au sens de l’article 1382 du Code Civil
Ainsi, l’article 63 du Règlement Général de Police de la Ville de Bruxelles énonce que:
« Les trottoirs couverts de neige ou de verglas doivent être balayés ou rendus non glissants, entièrement ou sur une largeur minimum de 1 m 50, selon la largeur du trottoir.
La neige doit être déposée en tas au bord du trottoir et ne peut être jetée sur la chaussée. Les avaloirs d’égouts et les caniveaux doivent rester libres.
Ce soin incombe aux personnes visées à l’article 13 du présent règlement. (propriétaire et au copropriétaire, à tout titulaire d’un droit réel sur l’immeuble, ou au locataire ou au concierge, portier, gardien ou aux personnes chargées de l’entretien quotidien des lieux.) »
Si le respect de cette obligation constitue certes une obligation de moyen, l’association des copropriétaires est, par exemple, responsable de la chute d’un piéton causée par le verglas, alors qu’elle a disposé de plusieurs heures pour déblayer ou faire déblayer le trottoir et qu’elle avait souscrit un contrat d’entretien à cet effet, mais s’est abstenue de donner à cette firme les instructions ad hoc en temps utile. (RGAR 1/2012 – p. 14816 – Cour d’appel Bruxelles 4e ch., 17/05/2011)
Par contre, il est opportunément rappelé que l’obligation prévue par le règlement de police communale de déblayer la neige n’est pas une obligation de résultat qui reviendrait à ce qu’aucune présence de neige sur les trottoirs ne soit tolérée, même après la chute récente de neige.
Cette obligation, qui confirme l’obligation générale de prudence, doit s’apprécier in concreto, en fonction du comportement d’un homme normalement prudent et avisé et des moyens qu’il peut raisonnablement mettre en œuvre.
Les assurances qui prendront en charge ce type de sinistre sont les assurances couvrant la responsabilité civile de ceux qui seront mis en cause.